Colette Pierard Aucun commentaire

La Cellule Mobilité a tenu son 20e colloque et donc fêté son 20e anniversaire, le 21 octobre 2022 au Cercle du Lac à Louvain-la-Neuve. Un colloque heureusement en présentiel après deux éditions en mode captation télévisuelle pour cause de Covid, mais à nouveau un colloque en contexte de crise, celle des prix l’énergie. Les interventions et les prises de parole ont donc puisé dans cette problématique qui impacte très sérieusement la mobilité des travailleurs et qui soulève des questions quant aux choix énergétiques stratégiques voulus par l’Europe, la Belgique et la Wallonie pour réduire les émissions de gaz à effet de serre.

L’introduction du colloque a été confiée en toute logique à Étienne Willame, Directeur du SPW Mobilité et Infrastructures en raison des vingt ans de partenariat entre l’UWE et la Wallonie qui permettent à la Cellule Mobilité d’agir au nom de celle-ci, dans les entreprises wallonnes, encore aujourd’hui. Il s’est d’ailleurs félicité de ce partenariat, du programme ambitieux qu’il permet d’accomplir et de l’investissement toujours croissant dans les moyens que l’administration accorde à la Cellule pour mener à bien des missions toujours plus nombreuses.

Dans son allocution, Étienne Willame a aussi rappelé les stratégies régionales de mobilité (personnes et marchandises) que le gouvernement wallon a élaborées pour atteindre ses objectifs ambitieux de réduction des émissions de CO2 pour le secteur du transport. Il a évoqué les trois grandes crises – Covid, inondations/sécheresse, énergie – qui viennent de frapper notre région, la manière dont elles ont impacté la mobilité et comment ses services ont répondu aux urgences. En conclusion, il a choisi le mot « résilience » pour les choix éclairés qui devront être faits pour le futur en lien direct avec ce que nous avons vécu ces dernières années.

Si l’énergie est considérée comme l’un des grands enjeux de la mobilité de demain, c’est parce que le contexte énergétique que nous connaissons aujourd’hui impose des choix, dictés par l’obligation de réduire nos émissions de gaz à effet de serre, qui ont et auront aussi des impacts géopolitiques importants. Pour fixer le cadre réaliste dans lequel s’inscrit la problématique actuelle de l’énergie, nous avons donné la parole à Francesco Contino, professeur à l’École polytechnique de l’UCLouvain, spécialiste des énergies et initiateur d’Exergie, une série de podcasts proposant des regards croisés sur l’énergie. Son message est clair : en la matière, il faut changer de paradigme. Nous n’avons plus le temps pour de petits changements. Le climat s’emballe parce que la température moyenne a augmenté d’un 1,1°. Si nous ne changeons rien maintenant, la situation sera incontrôlable d’ici une dizaine d’années. Il faut donc combiner la technologique et la sobriété. En Belgique, 20% de l’électricité provient des énergies renouvelables, mais l’électricité ne concerne que 20% de notre consommation énergétique ; tout le reste est produit par des énergies fossiles importées. Comment dès lors diminuer dans les bâtiments, le transport ou l’industrie cette consommation d’énergie fossile ? En investissant dans le renouvelable en Belgique et à l’échelle européenne. Et ce seront des investissements énormes qui doivent se coupler avec d’importantes interconnexions entre les pays. Dans ce contexte, miser à 100% sur la voiture électrique est une erreur. Pour des raisons géostratégiques (dépendance à la Chine), financières (les prix des matières premières vont exploser, car la demande sera plus importante que l’offre), techniques (le stockage de cette énergie doit encore s’améliorer) et parce que le véhicule électrique n’a de sens que si l’électricité est verte. Pour lui, il faut de la mixité et notamment le maintien du moteur thermique, mais avec d’autres moyens de combustion (l’hydrogène, la biomasse, etc.). Il n’y a plus de place pour le compromis. Des choix radicaux doivent être faits ; à chacun d’entre nous de montrer l’exemple.

Première table ronde

La matinée s’est ensuite poursuivie avec un panel d’interventions et de questions/réponses sur les infrastructures nécessaires à la mobilité de demain et en particulier sur l’arrivée des véhicules électriques. Samuël Saelens, Directeur du pôle Compétence de l’UWE modérait ces échanges.

  • Pour David Vangulick d’Ores, les recharges de véhicules électriques en milieu rural et en périphéries des villes vont se faire en majorité à domicile, puis sur le lieu de travail et enfin sur le réseau public. Dans les villes, par contre, les trois lieux d’approvisionnement seront sollicités à peu près dans les mêmes proportions. Recharger un véhicule électrique à la maison aura à terme des effets sur le réseau électrique basse tension. Il est aujourd’hui configuré pour une puissance contractuelle de 10 kW par habitation. Si l’on y ajoute une voiture électrique, il faudra davantage de puissance surtout à l’échelle d’un quartier. D’où l’importance de lisser la période de recharge, l’étendre sur la journée et sur la nuit pour éviter les pics de fin de journée, car le réseau actuel n’est pas dimensionné pour cela. Télécharger la présentation.
  • Pour Philippe Dehennin, président de la FEBIAC, l’électrification des véhicules est une obligation à laquelle l’industrie se soumet, mais pour le secteur, cela ne devrait pas être la seule solution. La voiture électrique est chère (et donc encore peu accessible) et a besoin pour sa construction de matériaux dont les accès et la transformation mettent l’Europe en grande dépendance par rapport à la Chine qui domine totalement ce marché. Il y a des alternatives, mais il faut laisser le temps à l’industrie de les développer. En attendant, l’électrique est l’une des solutions, mais le manque d’incitants financiers et les craintes en termes de recharge en font un marché encore sous-développé chez nous.
  • Autre problématique abordée : le recyclage des batteries avec le témoignage de Pierre Fiasse pour Groupe Comet. L’entreprise wallonne est déjà une « mine urbaine » en raison du tri et de la revalorisation des différents matériaux issus de son activité de recyclage des véhicules en fin de vie. D’un point de vue énergétique, en tout cas, la démarche est plus intéressante que l’exploitation même de la matière première. D’où son intérêt. Le recyclage des batteries, déjà opérationnel chez eux pour le petit électro et les engins de micromobilité devrait connaître des flux importants d’ici quelques années avec l’arrivée des batteries de voiture à condition que celles-ci ne repartent pas à l’étranger.
  • Spécialiste énergie au cabinet du ministre Philippe Henry, Pascal Lehance estime que la voiture électrique est à la fois une opportunité et une menace pour le futur pour les raisons évoquées par les autres intervenants. Aujourd’hui, au niveau wallon, il y a eu un important travail de cartographie sur les besoins et les enjeux de l’infrastructure de recharge afin de déployer cette infrastructure là où elle sera nécessaire. De son côté, la SOFICO a, elle aussi, cartographié les besoins en super chargeurs qui seront installés le long des autoroutes et des nationales wallonnes. Pascal Lehance attire aussi l’attention sur le fait qu’aujourd’hui, avec la hausse des prix de l’énergie, rouler à l’électrique perd tout avantage financier lorsque la recharge a lieu sur le réseau de bornes publiques.

Deuxième table ronde

Le second panel de la matinée, animé par Béatrice Schobbens, conseillère à la Cellule Mobilité, a rassemblé quatre profils différents pour apporter des témoignages contrastés par rapport à la mise en œuvre d’une mobilité plus durable.

  • Directeur chez DAP Assurances et Crédit, une moyenne entreprise familiale en pleine croissance, Christophe Degauquier explique que pour rester attractif, la mobilité et en particulier la voiture, font partie chez lui du pack salarial. L’envie est là de proposer autre chose, mais c’est compliqué de changer les mentalités. Pour le passage à l’électrique, c’est la recharge qui pose problème parce que l’entreprise n’est en mesure d’installer des bornes que sur trois de ses dix sites. Sans doute a-t-elle aussi encore besoin d’aide.
  • Henri Fischgrund, président du CA de l’Axisparc et administrateur délégué de Nivaxis apporte au débat le témoignage du promoteur immobilier. Les efforts déployés à Mont-Saint-Guibert pour promouvoir le covoiturage à l’échelle du parc d’activité il y a quelques années, n’ont pas été couronnés de succès. La promotion du vélo non plus. Toutefois, un projet de parking sécurisé et du leasing de vélo pourraient changer la donne. L’installation de bornes de recharge est aussi un fameux casse-tête. Si à Mont-Saint-Guibert un contrat de 20 ans a été signé avec TotalEnergie pour 30 bornes (et à terme 65) qui sont installées dans les zones communes avec l’obligation de retirer sa voiture dans les 10 minutes quand la recharge est terminée sous peine de surcharge tarifaire, à Nivelles par contre, les chargeurs seront sur les places privées des entreprises. Henry Fischgrund se demande toutefois s’il aura la puissance électrique nécessaire. Visiblement, il en doute.
  • L’objectif chez Elia est d’arriver à 75% de déplacements bas carbone d’ici à 2030. D’où l’engagement d’André Simonart il y a trois ans comme consultant en mobilité. La stratégie repose sur cet emploi dédié au Mobility Management, mais aussi sur le soutien du Management avec de fréquents suivis, les concertations avec les partenaires sociaux, l’appel à des partenaires spécialisés pour chaque mode, des groupes de testeurs et surtout un accompagnement personnalisé pour les nouveaux ou ceux qui changent de fonction, de statut, de localisation… Résultat, 63% des déplacements sont d’ores et déjà bas carbone dans l’entreprise.
  • Ancien concessionnaire, Vincent Remion est quant à lui venu présenter le concept de son Mobility Center à Alleur. Un lieu non plus destiné à la vente exclusive de voitures, mais un espace plus diversifié où l’on vend et teste des voitures (électriques ou non), des vélos, des vélos cargo, des scooters, des trottinettes, etc. Un lieu où le changement de mobilité s’explore.

Les 20 ans de la Cellule Mobilité de l’UWE

Colette Pierard, responsable de la Cellule Mobilité, a ensuite pris la parole pour rappeler les avantages, pour une entreprise, à s’occuper de la mobilité de ses travailleurs. C’est un travail de longue haleine qui doit tenir compte de ce que sera la mobilité du futur, à savoir une mobilité décarbonée, multimodale et intermodale, digitale et connectée. La désignation d’un mobilité manager est un prérequis indispensable. Et pour accompagner les entreprises, la Cellule Mobilité avec ses outils et ses services peut être un bon début. S’il faut aller plus loin, il y a les bureaux d’étude en mobilité et une offre abondante d’opérateurs de mobilité.

Le travail de sensibilisation et d’accompagnement de la Cellule Mobilité a été remis dans son contexte historique par Olivier de Wasseige, Administrateur délégué de l’UWE puisque cela fait 20 ans cette année que la Cellule a été créée au sein de l’UWE. A l’époque, s’occuper de mobilité était novateur et le partenariat avec la Wallonie pour financer les activités de la Cellule tout à fait visionnaire. Samuël Saelens était alors à la manœuvre et c’est lui qui a imaginé les bases du travail de la Cellule qui perdurent encore aujourd’hui.

Si pendant de nombreuses années, les entreprises ont fait appel aux services de la Cellule pour résoudre les problèmes auxquels elles étaient confrontées (parking insuffisant, accessibilité difficile, déménagement…), la démarche est aujourd’hui plus proactive : la mobilité fait partie des enjeux environnementaux que se sont fixées les entreprises, de leur volonté d’être attractives tant pour les talents que les clients, de leur engagement sociétal…

En 20 ans, les missions de la Cellule n’ont cessé de croître et elle n’a jamais été autant sollicitée qu’aujourd’hui. Cinq personnes sont désormais nécessaires pour répondre aux demandes. Cet anniversaire intervient donc à un moment où l’on a vraiment besoin de l’expertise de la Cellule.

La conclusion de la séance est revenue à Philippe Henry, vice-président, ministre wallon du Climat, de l’Energie et de la Mobilité. Il a rappelé les missions confiées à la Cellule Mobilité en lien avec toutes les initiatives prises par le gouvernement wallon pour développer la mobilité douce, la cyclologistique, le redéploiement des TEC et ses lignes express, l’amélioration des infrastructures, etc., et a terminé son allocution en réitérant sa confiance pour 20 nouvelles années à la Cellule !

Les remises de prix

Le Colloque a aussi été l’occasion de remettre plusieurs prix.

Le prix du Défi Mobilité des entreprises remis par Olivier de Wasseige à :

  1. AGC Glass Europe (Technovation Centre de Gosselies)
  2. Sparkers Data Company (La Hulpe)
  3. Technord (Tournai)

Les gagnants du Challenge vélo de Tous vélo-actifs remis par le Ministre Philippe Henry à :

L’Université de Liège, dans la catégorie des « Entreprises de plus de 100 personnes »

Le Parc Naturel Haute-Sûre Forêt d’Anlier, dans la catégorie des « Entreprises de moins de 100 personnes »

Et enfin, l’Award du Mobility Manager de l’Année 2022 remis par Hugues Thibaut de SD Worx à :

 

Frédéric Dhondt, Mobility Manager au Citadelle Hôpital (Liège)

L’album photo du colloque est disponible ici