Colette Pierard Aucun commentaire

Depuis plusieurs années, mais plus encore aujourd’hui, les entreprises qui font appel aux services de la Cellule Mobilité invoquent – notamment – un besoin d’attractivité pour justifier la nécessité de s’occuper de la mobilité de leurs travailleurs. Et si la mobilité devenait une arme au service de la guerre des talents ? Parce que la pratique nous montre que c’est le cas, nous avons décidé, avec l’aide de Valérie t’Serstevens, Legal HR Consultant chez SD Worx, d’en faire le thème d’une séance d’information qui s’est déroulée le 5 septembre 2023 au Gate de Mont-Saint-Guibert.

Guerre des talents : état des lieux

Si le terme, « Guerre des Talents » est apparu dans la littérature en 1997 pour prédire le défi stratégique futur des entreprises, force est de reconnaître que cette tension sur le marché du travail est aujourd’hui totalement d’actualité. En 10 ans le nombre d’emplois vacants en Belgique a quadruplé avec une tendance nette depuis la crise sanitaire de 2020. Au premier quadrimestre 2023, 38 514 postes étaient vacants en Wallonie et quelque 158 métiers jugés en pénurie (la réserve de main-d’œuvre est insuffisante par rapport aux besoins du marché) ou critiques (les employeurs ont des difficultés à trouver des candidats pour ces postes). En cause, une situation démographique mathématique : la génération des baby-boomers part progressivement à la pension alors que le contingent de jeunes qui arrivent sur le marché du travail n’est pas en nombre pour la remplacer.

Graphique Statbel montrant l'évolution du nombre d'emplois vacants entre 2013 et 2023

Autre cause, la volatilité du marché du travail : depuis la pandémie, les travailleurs (surtout les jeunes) changent plus souvent d’employeurs. Leurs exigences, souvent en lien avec des valeurs de sens et une préoccupation pour les questions de développement durable, les rendent moins fidèles à leur employeur s’ils ne respectent pas ces engagements. A cela s’ajoutent une crise de vocations dans certains secteurs, le manque de main-d’œuvre dans telle ou telle zone géographique ou parce que les horaires proposés sont difficiles à concilier avec une vie de famille. Par ailleurs, il manque clairement des compétences pour certains métiers. Dans d’autres circonstances, le problème vient des pièges à l’emploi ou de la difficulté d’atteindre le lieu de travail si on n’a pas son propre véhicule.

Pour répondre à ces problèmes, les services RH des entreprises doivent se montrer créatifs et multiplier les angles d’attaque : depuis les offres d’emploi originales jusqu’à la formation en direct d’un candidat qui plaît mais qui n’a pas toutes les compétences requises, en passant par des conditions de travail bonifiées, de la mobilité interne, des formations personnalisées pour augmenter l’engagement des employés et, last but not least, offrir aux candidats des solutions de mobilité qui répondent adéquatement à leurs besoins.

Lorsque SD Worx établit son top 5 des challenges RH en Belgique, trouver des solutions pour contrer la guerre des talents, veiller au bien-être des travailleurs, promouvoir le télétravail fait partie des grands défis RH du moment.

Les effets de la mobilité sur la qualité de vie au travail

Et la mobilité dans tout cela ? Elle a assurément un impact sur la qualité de vie au travail. S’il dépasse une heure par jour, le temps passé à se déplacer pour se rendre sur son lieu de travail peut peser sur l’équilibre vie familiale-vie professionnelle et générer de la fatigue. La qualité de ce déplacement a aussi des conséquences : les embouteillages, la difficultés de trouver à se garer en arrivant, le stress au volant, les correspondances loupées dans les transports en commun, les trains, tram, métro ou bus bondés, la crainte d’arriver en retard et cette impression de ne pas avoir de prise sur la situation sont éprouvantes à la longue. A contrario, marcher ou prendre son vélo a des effets très bénéfiques, de même que les déplacements en train ou en bus sans incident qui permettent de prendre du temps pour soi.

Si l’employeur n’intervient pas dans le prix du déplacement domicile-travail, et c’est le cas d’1 salarié sur 2 du secteur privé optant pour la voiture, la mobilité peut coûter cher, surtout quand le prix des carburants explose comme à l’été 2022 ! Une entreprise bien située en termes d’accessibilité en transports en commun à proximité d’itinéraires cyclables… a donc des atouts indéniables pour attirer les talents. A fortiori lorsqu’on sait que la mobilité du futur sera multimodale et intermodale, le travailleur choisissant son mode de transport en fonction de ses besoins et de ses envies.

Quelles sont les offres de mobilité que peuvent proposer les services RH pour attirer les talents ?

D’abord, comme le suggère Valérie t’Sertstevens, mettre en œuvre une rémunération flexible. A titre d’exemple, SD Worx suggère 4 pistes :

  • La Bike mobility : avec une partie de son salaire brut, le travailleur acquiert un vélo d’entreprise. Une solution neutre pour l’employeur.
  • La Bike Fit : le travailleur peut échanger (une partie de) sa prime de fin d’année contre un vélo.
  • Le budget de mobilité fédéral : l’offre s’adresse aux travailleurs disposant d’un véhicule de société ou ayant une fonction éligible à cet avantage. Le TCO du véhicule auquel ils avaient droit est remplacé par une somme d’argent qui peut, au choix, leur permettre de prendre une voiture nécessairement 0 émission (pilier 1), des solutions de mobilité diverses (pilier 2) et le solde résiduel en espèces, mais moins taxé que du brut (pilier 3).
  • Le Flex Income Plan (ou plan Cafétaria) : une partie du package de rémunération est converti en budget annuel, chaque collaborateur choisissant son affectation selon ses besoins (offres de mobilité, cash, multimédia, santé et avantages sociaux complémentaires…)

Une autre proposition que peut faire un employeur pour attirer des talents et qui, de l’avis de Valérie t’Serstevens, séduit énormément tout en ayant un impact indéniable sur la mobilité, c’est d’offrir le télétravail, si possible structurel.

Le Management de la mobilité dans les entreprises

Concrètement comment mettre tout cela en œuvre dans l’entreprise ?

En désignant une personne ou une équipe en charge de piloter ce management de la mobilité dans l’entreprise. Ensuite, en passant par l’étape du diagnostic : quel est le profil d’accessibilité de l’entreprise ? Quel est le profil d’accessibilité des travailleurs ? Quelles sont les mesures existantes ? Quel est le potentiel de report modal ? Sur cette base, il s’agit alors de rédiger un plan d’action à court, moyen et long termes qu’il faudra ensuite mettre en œuvre et évaluer. Ce plan d’action comprend l’installation d’infrastructures (parking vélo, douches et vestiaires, places de parking pour du covoiturage, etc.), la mise en place d’incitants fiscaux, des activités de tests des différents modes de transport, des actions de communication et de sensibilisation, des challenges, jeux et concours pour convaincre de manière ludique, etc.

Et pour faciliter l’implémentation de cette mobilité multimodale qui peut attirer les talents, les cartes et applications de MaaS (Mobility as a service) sont indispensables à la fois pour les utilisateurs et pour les services RH en charge du suivi et du reporting financier des déplacements domicile-travail.

Les 50 fiches actions pour la mobilité de votre entreprise, un outil précieux pour mettre en oeuvre le management de la mobilité.

La Cellule Mobilité de l’UWE a réalisé un comparatif des outils MaaS proposé par des opérateurs actifs sur le marché belge.