Colette Pierard Aucun commentaire

Après la SNCB, la Cellule Mobilité a voulu donner la parole dans le cadre de sa formule « 90 minutes pour la mobilité » à l’autre grand opérateur de transport public œuvrant sur le territoire wallon, à savoir l’OTW (l’Opérateur de Transport en Wallonie), plus connu sous l’appellation « TEC », mais aussi à l’AOT (l’Autorité organisatrice des Transports collectifs et partagés) qui, depuis 2018 est en charge de la mise en œuvre de la stratégie de mobilité de la Wallonie. À leur directeur respectif, Jean-Michel Soors (OTW) et Martin Duflou (AOT), la Cellule a posé les questions suivantes : quels sont les grands chantiers qui les occupent ? Quelle sera la mobilité collective de demain ? 

Contexte stratégique wallon

Avec sa vision FAST (2017), traduite par la Stratégie régionale de Mobilité (2019), la Wallonie affiche pour la première fois une véritable ambition pour le transport en commun. Objectif ? Doubler la part modale de celui-ci pour atteindre en 2030 25% des km parcourus en bus, tram et métro. Les chantiers sont nombreux : gouvernance, numérique, hiérarchisation du réseau, augmentation de l’offre, transports en commun cadencés/directs/fiables, communication vers le citoyen, tarification intégrée, etc.). Aussi, pour y parvenir, le Gouvernement wallon a-t-il débloqué d’importants budgets : 150 millions pour le transport en commun auxquels s’ajoutent via le plan de relance 400 millions pour des investissements d’infrastructures (bandes bus, tram à Liège, busway, métro léger à Charleroi…), 100 millions pour offrir la gratuité aux jeunes et éviter l’indexation des tarifs et 32 millions pour accroître de 10% l’offre TEC.

2018, un nouveau cadre pour le transport collectif en Wallonie

En 2018, le Gouvernement wallon a créé au sein du Département de la stratégie de la Mobilité et de l’Intermodalité du SPW Mobilité et Infrastructures, l’Autorité organisatrice du Transport (AOT) pour organiser, réguler et surveiller les systèmes d’exploitation des transports collectifs en y ajoutant depuis peu, la mobilité partagée. Dans la foulée, il a décidé de fusionner la Société régionale wallonne du Transport (SRWT) et les 5 sociétés d’exploitation du TEC en une seule entité, l’Opérateur de Transport en Wallonie (OTW) chargée d’organiser sur le terrain l’offre de transport public wallon (bus, tram, métro) prévue par l’AOT. L’OTW est la personnalité juridique de ce nouvel organisme, le TEC, sa marque commerciale.

L’Autorité organisatrice des transports collectifs et partagés

Si l’AOT a été créée, c’est parce que le Service public de Wallonie a un rôle d’assemblier en matière de systèmes de mobilité et qu’il fallait avoir une vision intégrée de toutes les solutions de mobilité collective et partagée à la disposition des citoyens ; autrement dit, organiser ces offres pour qu’elles soient complémentaires. À l’Autorité donc de gérer le contrat de service public du TEC, d’initier le développement de la mobilité partagée et des infrastructures qui la faciliteront, d’organiser des concertations et la participation citoyenne pour une meilleure traduction locale des orientations régionales, d’évaluer le transport public et enfin de remettre des avis au Gouvernement wallon.

Le TEC, acteur de la mobilité

Le TEC c’est :

  • Une flotte de 2 700 bus et trams
  • 49 dépôts et 32 000 arrêts
  • 123 millions de km parcourus
  • 125 millions de voyageurs
  • 1 million d’abonnés (27% de la population wallonne !)
  • 100 millions € de chiffres d’affaires
  • 5 500 travailleurs et 120 métiers différents
  • 5 entités territoriales réparties en bassins de mobilité
  • La moitié des km parcourus sous-traités à des sociétés de transport privées

Le TEC, acteur du développement durable

Le secteur du transport est responsable de plus de 20% des émissions de gaz à effet de serre et ce pourcentage ne cesse d’augmenter. Le TEC a ici un rôle important à jouer puisqu’un bus émet 3 à 4 fois moins d’émissions CO2/passager qu’une voiture. Encourager un transfert modal vers les transports en commun est une réponse aux enjeux climatiques.

Le TEC, acteur du développement économique

En diminuant la congestion des villes (un bus, c’est 30 à 40 voitures en moins dans la circulation), le TEC favorise le développement économique de celles-ci parce qu’on y circule mieux, parce qu’on leur permet de respirer. Moins de voitures, c’est aussi moins d’accidents et une sécurité qui s’améliore.

Le TEC favorise aussi la création d’emplois locaux. Les entreprises installées à proximité d’une ligne de transport en commun gagnent incontestablement en attractivité.

Le TEC favorise enfin l’intermodalité qui déterminera à coup sûr la mobilité du 21e siècle.

Quels sont les enjeux de la mobilité collective de demain ?

Le Contrat de service public TEC 2024-2028 (en cours d’adoption) réclame une contribution accrue du TEC aux objectifs wallons en matière de climat et de mobilité. À savoir :

  • Une mobilité plus collective : augmentation de l’offre kilométrique, mise en œuvre du tram à Liège, du métro à Charleroi, des busways, redéploiement du réseau TEC, solutions de mobilité locales, meilleure équité territoriale, etc.
  • Une mobilité plus intermodale : amélioration de la compatibilité des services du TEC avec ceux des autres opérateurs en termes d’horaires, d’infrastructures, de billetique, etc.
  • Une mobilité plus verte : électrification des flottes, démarche plus globale en faveur du climat et du développement durable, etc.

Pour y répondre, le TEC se fixe d’ici à 2029 (rédaction du futur contrat de gestion du TEC) cinq grands axes stratégiques.

Climat. Pour contribuer à l’ambition wallonne de réduire des émissions de Gaz à effet de serre de 55% d’ici 2030, le TEC envisage d’acquérir 400 bus électriques. Ce qui nécessitera une réorganisation interne de grande ampleur : adaptation des infrastructures (rénovation des dépôts et production d’énergie) ; gestion des charges et des autonomies pour le service des bus ; formation du personnel à la conduite de tels engins et à leur maintenance, etc.

Faciliter le transfert modal, toujours pour répondre aux enjeux climatiques. Comment ?

  • En assurant une vitesse commerciale compétitive. Cela passe par la création de sites propres, la priorité aux feux, mais aussi par la mise en service de plusieurs projets structurants comme le tram liégeois, le métro léger de Charleroi, des bus à haut niveau de service (busway) à Mons, Liège et Charleroi.
  • En améliorant l’accessibilité de l’offre grâce au redéploiement zone par zone du réseau TEC (voir encadré), en priorité là où les besoins sont les plus criants. Et ceci, pour couvrir au mieux le territoire wallon et connecter les pôles générateurs de flux (pôles économiques, culturels, scolaires, etc.). Il s’agit de rebattre les cartes pour avoir un réseau plus cohérent qui réponde aussi aux enjeux de l’intermodalité.
  • En développant et facilitant l’intermodalité. Veiller à une complémentarité de l’offre avec les autres opérateurs de transport, soigner la correspondance avec le train et favoriser les interactions avec les modes actifs pour les premiers et derniers kilomètres (box vélo, infrastructures de mobilité douce)

Expérience client. Il est indispensable d’optimiser le parcours client parce que sans lui, pas de résultat ! Faciliter l’achat des titres de transport (on pourra bientôt payer directement dans le bus avec sa carte de banque au valideur), simplifier les tarifs et les canaux de vente, fournir l’information en temps réel et surtout améliorer la fiabilité, c’est-à-dire faire en sorte que le bus soit à l’heure à l’arrêt.

La sécurité et le bien-être du personnel. Le TEC, comme les autres opérateurs de transport sont victimes de l’agressivité de certains usagers. C’est un véritable combat qui doit se mener à l’échelle de tout le pays. Beaucoup de choses sont mises en place pour recruter du personnel, la pénurie étant bien réelle (job day, possibilité de progression interne…), mais il faut pouvoir aussi le garder, lui garantir de bonnes conditions de travail, ce qui est parfois compliqué en raison des agressions constatées.

Excellence opérationnelle. Améliorer le fonctionnement interne, implémenter des outils permettant le suivi et l’optimalisation du système d’exploitation, etc.

La refonte du réseau TEC par l’AOT en 7 étapes

La hiérarchisation du réseau repose sur une offre structurante servant de colonne vertébrale : les lignes de train et les lignes de bus Express (31 à ce jour). Ensuite, zone par zone, autour de ces réseaux structurants, l’offre de bus est progressivement redéployée avec l’appui de solutions de mobilité locales (développement des mobipôles à l’échelle locale).

Comment s’organise le redéploiement ?

  1.  Diagnostic de la zone : analyse des flux de déplacements des travailleurs et étudiants du secondaire
  2.  Co-construction du réseau: pour compléter ces informations de terrain, des ateliers participatifs rassemblant les acteurs de la zone (TEC, communes, intercommunale, représentants de la SNCB, d’universités, d’acteurs de la mobilité, d’entreprises, d’associations, etc.)
  3.  Création d’un Schéma intermodal de mobilité par bassin (SIMBA): l’AOT élabore une carte schématisant les liaisons à réaliser entre les villes et les villages qu’elle soumet pour avis à l’Organe de Consultation des Bassins de Mobilité (OCMB), puis validé et transmis au TEC
  4.  Création d’un plan de transport: le TEC prend le relais et définit pour chaque liaison identifiée, un itinéraire, un horaire, des arrêts, des correspondances…
  5.  Participation citoyenne Mobilli: le travail effectué est présenté aux citoyens et aux forces vives locales via une plateforme en ligne et lors d’ateliers sur le terrain
  6.  Deuxième version du plan de transport sur la base des avis des citoyens. Il est à nouveau soumis à l’OCMB, puis à l’AOT pour validation
  7.  Mise en œuvre du déploiement : aménagement des lignes, communication vers les voyageurs. Une phase d’évaluation est organisée.

Conclusion

Le TEC est un acteur en mutation. Avant 2019, les politiques visaient le tout à la voiture. Les choses ont aujourd’hui radicalement changé et les avancées sont notoires (1 milliard € d’investissement, hiérarchisation du réseau, création des lignes express, +10% de l’offre, redéploiement du réseau, bus à la demande, app TEC, remise à niveau du parc de véhicules, etc.). Toutefois, la mutation doit se poursuivre, notamment au niveau des parcs d’activité économique (PAE). Pour y développer une desserte en transport en commun, il est nécessaire d’objectiver les besoins et ensuite de créer un dialogue et une politique de concertation avec les clubs d’entreprises et les entreprises elles-mêmes pour soutenir et encourager leurs travailleurs au transfert modal. Il y a là matière à innover.