Ce n’est un secret pour personne, le système fiscal belge demeure unique en son genre. D’une part, avec un des taux de taxation les plus élevés d’Europe, il permet, d’autre part, d’aller chercher dans le chef de l’entreprise et dans le chef du travailleur bon nombre d’avantages (déductions et exonérations) par des mécanismes souvent complexes. En matière fiscale, la mobilité n’est pas en reste.

En effet, les politiques de mobilité des entreprises peuvent s’appuyer sur un arsenal de mesures dont un nombre déjà conséquent de possibilités fiscales. Ces mécanismes sont des incitants généralement très convaincants pour un travailleur et/ou un employeur car ils permettent d’encourager plus facilement le report modal en lui-même. On peut épingler à titre indicatif  :

  • Le versement d’indemnités spécifiques aux travailleurs, exonérées ou exonérables, partiellement ou totalement;
  • Des déductions fiscales intéressantes pour l’entreprise sur des investissements infrastructurels précis;
  • Des exonérations fiscales conséquentes par rapport à la mise en place d’un service/outil de mobilité à destination de l’entreprise.

Il n’est pas possible de préciser ici, en finesse, tous les mécanismes et toutes les possibilités fiscales liées à la gestion de la mobilité prévue dans la législation belge. Ainsi la présente rubrique, se veut avant tout un aperçu rapide et non exhaustif des dispositifs les plus courants mais pourtant encore bien souvent méconnus, qui encouragent la mobilité alternative.

Bref aperçu des modalités fiscales

En matière de mobilité alternative, voici donc, pour chaque mode concerné (covoiturage, vélo, marche, télétravail, transport public et navette d’entreprise), les grands principes et les mécanismes disponibles et à prendre en compte en tant qu’employeur et/ou en tant que navetteur (montants pour les revenus 2023).

Les marcheurs sont souvent les grands oubliés des politiques mobilité d’entreprise. Il vous est néanmoins possible de leur accorder une « prime piétonne » pour les travailleurs faisant tout ou partie du trajet domicile-travail à pied, en suivant par exemple le montant de l’abonnement social. Cette indemnité kilométrique est exonérée d’impôts jusqu’à 490€ par an (revenus 2024, exercice d’imposition 2025) pour les travailleurs qui choisissent l’exonération des frais forfaitaire ; 0,15€/km pour les travailleurs qui choisissent de déclarer leurs frais réels.

Mise en place administrative :

Pour faire bénéficier les marcheurs, il peut être judicieux de se conformer au processus administratif déjà convenu pour l’indemnité kilométrique des cyclistes.

  • Rédiger un règlement complet de la pratique de la marche à pied vers l’entreprise. Il prévoira, entres autres, les modalités de contrôle et de renouvellement des déclarations sur l’honneur (voir ci-après).
  • Faire signer une déclaration sur l’honneur par chaque marcheur (en lien avec le règlement ci-dessus) et les conserver précieusement.
  • Adapter l’édition des fiches des paie et donc de la fiche fiscale annuelle. Ainsi, le montant lié à la pratique de la marche apparaîtra sur la fiche fiscale du collaborateur (14c – autres moyens de transports privés).

L’entreprise peut stimuler la pratique du vélo, du vélo à assistance électrique (VAE) et des speed-pedelecs à destination de l’entreprise de différentes manières et user des possibilités fiscales. Principe fiscal :

  • Dans le chef de l’entreprise, tout achat tel que des vélos (les formules de leasing et de maintenance n’en font pas partie), des ateliers vélo, des outils mais aussi des investissements dans des douches et des vestiaires destinés aux cyclistes peuvent bénéficier d’une exonération fiscale à concurrence de 100%.
  • L’employeur peut aussi intervenir jusqu’à 0,35€/km (revenus 2024, exercice fiscal 2025) pour les déplacements domicile-travail (aller-retour) de ses collaborateurs. Ce montant de 0,35€/km bénéficie d’une exonération fiscale (100%) ainsi que d’une exonération de cotisations de sécurité sociale. Il n’y a pas de maximum de kilomètres prévu dans ce cas. Il est aussi possible d’intervenir de la sorte pour des déplacements professionnels pour autant que ceux-ci soient faits avec le vélo personnel du collaborateur.
  • Si un vélo de société est mis à la disposition du travailleur pour ses déplacements domicile-travail, celui-ci est exempté d’ATN, à condition d’être utilisé régulièrement pour le déplacement domicile-lieu de travail (il est coutumier de fixer un seuil minimal de 20% des trajets mais la proportion n’est en fait pas définie dans la loi).

Mise en place administrative :

Pour faire bénéficier les cyclistes de l’indemnité cycliste, très intéressante sur le plan financier, il convient de :

  • Rédiger un règlement complet de la pratique du vélo vers l’entreprise. Il prévoira, entres autres, les modalités de contrôle et de renouvellement des déclarations sur l’honneur (voir ci-après).
  • Faire signer une déclaration sur l’honneur par chaque cycliste (en lien avec le règlement ci-dessus) et les conserver précieusement.
  • Adapter l’édition des fiches des paie et donc de la fiche fiscale annuelle. Ainsi, le montant lié à la pratique du vélo apparaîtra, à titre indicatif, sur la fiche fiscale du collaborateur (27a)

En tant qu’employeur, il est possible d’encourager le covoiturage de manière significative grâce à la mise en place de lincitant fiscal pour les covoitureurs. Cet incitant vient donc s’ajouter aux autres incitants que sont le retour garanti et les places réservées pour les covoitureurs dans le parking de l’entreprise.

Condition: L’incitant fiscal concerne la part des déplacements domicile-travail effectués en covoiturage avec d’autres travailleurs, collègues de l’entreprise ou non. Cet avantage prend la forme d’une exonération sur l’intervention domicile-travail versée par l’employeur (voir détail du calcul ci-dessous).

Principe fiscal : Pour immuniser d’impôt un maximum de votre intervention domicile-travail en covoiturage (ce qui n’empêche pas de bénéficier de manière complémentaire d’autres avantages pour les kilomètres parcourus autrement: vélo, marche, autosolisme), il existe deux façons de faire:

  • Soit opter pour la preuve des frais professionnels : dans ce cas le chauffeur mais aussi le passager peuvent exonérer 0,15€/km de leur base imposable. Cependant, le passager ne pourra le faire que pour une distance domicile-travail de maximum 200 km aller-retour. Le chauffeur n’a pas de limite en termes de km.
  • Soit opter pour une intervention forfaitaire : dans ce cas, le travailleurs peut exonérer son indemnité de déplacement domicile-travail à concurrence de maximum le prix d’un abonnement de train mensuel en 1ère classe pour la distance équivalente au trajet simple (domicile-travail) effectué en covoiturage, à diviser par 20 pour le ramener à une base journalière et à multiplier par le nombre de jours de covoiturage effectués sur l’année. A noter : Dans le cadre du forfait, il est encore possible d’introduire un montant plafonné à 490€ (revenus 2024, exercice fiscal 2025) pour la période durant laquelle vous n’avez pas covoituré.

Mise en place administrative :

Pour faire bénéficier les covoitureurs de cet incitant très intéressant sur le plan financier, mais également au niveau des avantages du retour garanti et des places de parking réservées, l’employeur devra s’acquitter de quelques aspects administratifs. (A noter : Ceux-ci peuvent être facilités et mis en place par un opérateur de covoiturage). Ainsi, il convient de:

  • Rédiger un règlement complet de la pratique du covoiturage vers l’entreprise. Il prévoira, entres autres, les modalités de contrôle et de renouvellement des déclarations sur l’honneur (voir ci-après)
  • Faire signer une déclaration sur l’honneur par chaque covoitureur (en lien avec le règlement ci-dessus) et les conserver précieusement.
  • Adapter l’édition des fiches de paie et donc de la fiche fiscale annuelle. Ainsi, les montants liés à l’avantage fiscal du covoiturage apparaîtront dans la rubrique « transport collectif organisé » (14b).

Le guide fiscal du covoiturage de Carpool.be

Pour encourager l’usage des transports publics à destination du lieu de travail, les entreprises sont tenues d’intervenir au  minimum à hauteur du forfait défini dans CTT 19/9 de 2019. Le montant relatif à l’intervention est par ailleurs exonéré à 100%, tant dans le chef de l’employeur que du travailleur. De leur côté, les sociétés de transport public régionales et fédérales permettent différents mécanismes facilitant la vie des travailleurs et des entreprises.

Principes fiscaux: Si l’on choisit de passer par le système de tiers-payant, cela permet à l’entreprise de récupérer le montant de la TVA (6%) de l’ensemble des abonnements contractés. Au-delà du contrat tiers-payant (à peu près 65% à charge de l’employeur- les 35% restant à charge du travailleur), le gouvernement fédéral propose d’offrir la gratuité de transport en train aux travailleurs. Pour ce faire, l’employeur doit conclure un contrat tiers-payant avec la SNCB et intervenir à 80% du montant de l’abonnement. L’Etat prend en charge les 20% restant. Cette formule fonctionne également en combinaison avec la STIB mais aucunement avec le TEC et De Lijn.

Mise en place administrative :

Le contrat tiers-payant est probablement la formule la plus adaptée au monde de l’entreprise. Cette formule est possible lorsque l’entreprise souscrit directement une convention avec la SNCB, le TEC ou la STIB. Celle-ci définit le montant de l’intervention de l’entreprise, le nombre et la validité des abonnements des collaborateurs. Le montant de l’intervention patronale est alors facturé directement à l’entreprise. Dans le cas où l’entreprise n’interviendrait pas intégralement dans les frais d’abonnement, le collaborateur paiera le montant restant au moment de l’enlèvement de son abonnement aux guichets.

Les pages dédiées aux déplacements domicile-travail sur le site de la SNCB et du TEC.

Depuis le 1er janvier 2020, la déduction des frais afférents à la mise en place, l’achat et la gestion d’un mode de transport collectif destiné aux collaborateurs de l’entreprise les entreprises s’élève à 100%,  (et plus à 120% comme c’était le cas auparavant). Ce transport collectif doit amener les travailleurs sur leur lieu de travail à partir de leur domicile ou un point de rassemblement comme une gare ou un parking de dissuasion par exemple.

Pour bénéficier de la déductibilité, le transport collectif doit être organisé par l’employeur. Cela suppose :

  • Un règlement concernant l’usage de la navette. Il prévoira, entres autres, les modalités d’usage de la navette, le système contrôle de son usage et les règles pour renoncer à son usage
  • Faire signer à chaque utilisateur une convention individuelle ou déclaration sur l’honneur (en lien avec le règlement ci-dessus) et les conserver précieusement.
  • Si une indemnité est maintenue malgré la mise à disposition du moyen de transport, celle-ci est exonérée à hauteur d’un abonnement 1ere classe. Il faut alors adapter l’édition des fiches de paie et donc de la fiche fiscale annuelle. Ainsi, les montants liés à l’usage de la navette apparaîtront dans la rubrique « transport collectif organisé » (14b).

Bien qu’il ne s’agisse pas d’un véritable mode de transport, le télétravail est probablement l’une des mesures phares à développer dans les entreprises pour diminuer ou éviter les déplacements associés à l’exercice d’une profession. Tout comme celles qui existent en matière de mobilité piétonne, les mesures fiscales en faveur du télétravail sont encore trop peu connues.

Principe fiscal : Pour les salariés qui télétravaillent de manière régulière (l’équivalent d’une journée de travail par semaine, à évaluer sur base mensuelle) et structurelle, les indemnités de télétravail peuvent prendre plusieurs formes :  il existe l’indemnité forfaitaire mensuelle, le remboursement de frais de bureau, la mise à disposition de mobilier par l’employeur et les indemnités pour l’usage de matériel privé. Retrouvez le détail de chaque formule.

Il est à noter que des telles indemnités ne sont pas obligatoires pour du télétravail occasionnel. Dans le cas de télétravail régulier, l’employeur prend exclusivement en charge les coûts des connexions et communications liées au télétravail. Si le télétravailleur utilise son propre équipement, les frais pour l’employeur sont calculés avant le début du télétravail au prorata des prestations ou selon une clef de répartition fixée entre les parties.

teletravailler.be, le site de référence du télétravail du Service Public Fédéral de la Mobilité et du Transport.

Pour aller plus loin point de vue travailleur, rendez-vous sur le site du SPF Finance : Déduction des frais de transport 

Le point pour l’employeur par SDWorx